J’ai rencontré la chorégraphe Montréalaise Manon Oligny il y a une dizaine d’années, lors d’un échange via l’Agence Québec Wallonie Bruxelles pour la Jeunesse. Nos chemins n’ont cessé de se croiser depuis lors, que ce soit à Bruxelles ou à Montréal. En plus de son travail chorégraphique, elle est aujourd’hui chargée de projets à la Société des Arts Technologiques de Montréal (SAT). C’est dans ce cadre qu’elle a initié, avec Philippe Franck (directeur de Transcultures), un projet d’échanges d’artistes, de résidences et de performances entre la Belgique et le Québec. J’ai suivi le projet d’assez près que pour être ravi de pouvoir enfin en parler. Mais avant d’entrer dans le sujet proprement dit, il me semble important de retracer rapidement le contexte de ce dernier.
Les partenaires
La SAT se présente comme «un centre transdisciplinaire de recherche et création, de production, de formation et de diffusion voué au développement et à la conservation de la culture numérique». Depuis 1996, elle a accueilli plus de 1200 événements et quelque 6000 artistes tant au niveau national qu’au niveau international. Son champ d’action traverse tous les domaines de la culture numérique: musique, arts visuels, danse, etc. Son espace est un des rares au monde à pouvoir proposer un équipement aussi complet et qui se verra gratifié, début 2010, d’une coupole géante pleinement opérationnelle, sous laquelle quelque 400 personnes pourront visionner des projections à 360 degrés. Mais c’est surtout de la vision de Monique Savoie, sa directrice/ fondatrice et de son équipe, que la SAT tire une énergie résolument novatrice, entrepreneuse et «entremetteuse». Si ses réalisations ont été présentées dans une cinquantaine de villes et dans plus de vingt pays, c’est me semble-t-il, plutôt dû à une volonté de rencontres, de création d’interférences que de simple diffusion. Non seulement la SAT cherche et trouve des partenaires, mais grâce à l’acquisition et au développement d’outils de création et de recherche, elle attire aussi des partenaires potentiels. C’est un schéma de fonctionnement, une philosophie qui font de cette structure un noeud de convergence et d’émission, plutôt qu’un lieu de passage.
Transcultures, le second acteur de ce projet, est connu pour ses deux festivals (CitySonic et Les Transnumériques). Centre interdisciplinaire des cultures électroniques et sonores installé à Mons (Belgique), c’est en 1996 et à Bruxelles qu’il a vu le jour. Philipe Franck, son directeur, parle de Bruxelles comme d’un « carrefour européen à haut taux de croisements culturels et de bouillonnements indisciplinaires ». Ce qui est intéressant dans cette approche, c’est moins une certaine « réalité des faits », que l’angle d’attaque adopté. Maintenant installé à Mons, cet état d’esprit est d’ailleurs tout aussi présent : Mons associée à Maubeuge devient ville transfrontalière, le festival Les Transnumériques se revendique nomade et s’étend jusqu’à Paris, en passant par Lille et Bruxelles…
Voyageur infatigable, c’est à un travailde «réseautage» que Philippe Franck s’est attelé. Sachant que pour construire des ponts solides, il faut bien avant aller sur le terrain, rencontrer, sentir la chaleur humaine, créer du contact direct pour que les bases soient solides, il n’hésite pas à faire ses valises, quitte à ne pas les défaire souvent. Pour reprendre une formule qu’il qualifie lui-même de «facile mais cruciale à ses yeux» : «médiatiser les arts médiatiques, non pas au sens de donner une certaine publicité par les médias, mais au sens de créer du lien et de faciliter les connections avant tout humaines». Investissant un nouveau lieu d’accueil, le Frigo, sorte de boîte noire polyvalente sur le Site des anciens Abattoirs de Mons, Transcultures (s’)accueille donc en partenariat, crée le terrain propice, elle part à la rencontre et, plus important encore, fait se rencontrer, agissant ainsi comme catalyseur positif. …
Publié dans Turbulence video #65